"M" Soirée Collectif Pi 2006

Il sera question de la violence en pédopsychiatrie, notre courte présentation prendra comme support une rapide observation d’un enfant qui nous interpelle par sa violence en de nombreuses situations à l’HDJ et ce même enfant dans un atelier particulier s’apaise.
Alors que fait-il de sa violence ?
Ceci nous a amené à nous poser de nombreuses questions et c’est sous cette forme là que nous ferons part de ce qui nous est venu, ce qui nous a donné à penser ou pas, afin de venir chercher dans le groupe quelques idées.

« M »

Né le 20 Janvier 1999 à Brignoles

La première consultation a eu lieu le 30-04-2002 avec le Dr T pour une prise en charge au CAMSP, adressé par le Dr I de la « Maison Verte » à Sanary.

Quand à la famille, nous serons brefs, d’autres éléments apparaîtront au fil de la discussion.
Les parents sont mariés et M a un frère T né en 2001.Professionnellement à ce jour Monsieur travaille et Madame ne travaille plus.

Historicité
La première consultation avec le Dr I fut en fait en attente d’une admission au CAMSP car liste d’attente (en 2001). Il le reçoit environ 10 séances durant lesquelles le psychiatre leur a parlé de laxisme, rapporte il, d’un enfant Roi, de manque d’autorité, pas de limites, les parents se sentent dans la faute. Mais également de pensée morcelée, de corps morcelé et a donné quelques solutions afin de le contenir en cas de crise (hurlement, agitation), le tenir, le contenir, être dans le corps à corps mais la famille dira « ça le rend fou » et rapporteront qu’il leur est difficile d’entendre ce propos psy.

Avril 2002
Première consultation avec le Dr T avec lequel ils semblent parler plus volontiers des premiers mois de la vie de M bien que...
- Pas de renseignements concernant la grossesse
- Accouchement : forceps dont la mère parle encore avec difficultés, « cicatrice pendant 9 mois ».
- Naissance : péridurale inefficace dit elle. M naît sans problème.
- Le sevrage : fut difficile, allergie au lait de vache, allaitement maternel pendant 11 mois.
- Dès la naissance, cependant il est signalé, des pleurs et des cris très importants. Cependant « il fera ses nuits vers 2 mois ½ ». Durant les premiers mois, les souvenirs des parents semblent s’être effacés. Les souvenirs sont plus précis concernant la première année (mais il est à remarquer que cette consultation a eu lieu alors qu’il n’avait que 3 ans et les parents ne peuvent parler des premiers mois ;comme cela se produit d’ailleurs souvent ; chez ces parents en souffrance.

Cette première année : c’est le père qui parle
- Il cassait tous les objets et jouets sauf les trains.
- Geignait toujours.
- Rituels, répétitions de mots.
- Fasciné par les boites à lettres.
- Fasciné par le hublot de la machine à laver, les portes de placard.
- Peur de l’eau.
- Ne supportait pas d’être tenu, porté.
- Décrit comme un bébé agressif, violent.
- Refuse d’être sur le dos, refus du pot.
- Refus alimentaire.
- Apaisé par les temps « bébés nageurs ».

Et durant cette première année, la prise en charge était essentiellement assurée par le père qui semblait vouloir le protéger ? (mère qui travaillait beaucoup à ce moment là) mais fait le reproche au père de l’avoir surprotégé.

Lors de cette consultation :
Les parents précisent le motif de consultation psy et leur demande pour le CAMSP, il semblait pressé et adhérait à un suivi, ils diront alors, que :
- M ne se laisse pas examiner par un médecin.
- Les troubles du langage sont très importants.
- Les angoisses et phobies le questionnent, « il a peur de tout ».
- La mère dira « on l’a traité comme un adulte ». Quant au langage, il fait des mots phrase, « il associait souvent 2 mots et nommait les objets, mais toujours les mêmes, les répétant sans cesse ».
- Madame précise que le père lui chantait des berceuses qu’il s’endormait bien, qu’il le faisait manger, sinon M était capable de ne pas manger plusieurs jours de suite. Donc utilisation du jeu par le père qui nourrissait son fils, il n’avalait pas les morceaux, crachait tout, ceci est rapporté par la mère comme une information sans AFFECT.
- Cependant, fait des reproches au père qui surprotégeait son fils.
- Les parents précisent qu’il soutient le regard, ce qui est également observé par le Dr T, ce jour là.

Durant cette consultation, il montre qu’il sait compter jusqu’à 8 et sait faire des encastrements, il a 3 ans ½.

En mai 2002
Bilan psychomoteur, parents en lien avec la psychomotricité, cependant plutôt séance d’observation que véritable bilan car M seul dans un 2ème temps sera surtout intéressé par le mouvement rotatoire d’un jouet puis chantonnera.

Lors du bilan psychomoteur, il est noté que les parents sont très inquiets par le diagnostic d’autisme, au point d’avoir eux-mêmes des troubles du sommeil. M est difficile à examiner, n’adhère pas « aux jeux psychomoteurs ».

Juillet 2002, 2ème consultation Dr T
M fait des progrès +++
- Il est dans l’échange langagier
- Il est plus aventureux
- Commence à dire « je »
- Meilleur contact, relation possible avec d’autres enfants
- Restriction alimentaire persistante
- Enfant intelligent
- Problèmes +++ avec son frère
- Questions autour de l’intentionnalité, des initiatives cependant sont observés dans un début de jeux.
En résumé, ALD demandée : troubles du langage, de la communication, retard du développement.
Bilan du 26/10/2004 : M a beaucoup évolué en 2 ans.

Bilan de Cathy

Depuis son entrée à l’HDJ, M a un comportement violent. Il est sans cesse dans la recherche des limites. Aussi bien avec les autres enfants, en voulant imposer ses jeux, en choisissant « ses copains » pour faire réagir les autres. Mais surtout dans la recherche de la transgression des limites des règles de l’institution. Ses paroles principales sont « je veux tuer les adultes » les phrases qui traduisent le plus son angoisse sont « je vais vous jeter dans le trou à maman » (trou dans la terre dans son jardin), « je vais tuer tous les adultes pour que les enfants puissent faire ce qu’ils ont envie de faire ».

Son comportement devient de plus en plus difficile à maîtriser. Il faut sans cesse le reprendre, essayer de discuter, le punir. Nous avons la sensation qu’il nous épuise et que les résultats sont inexistants. Nous en parlons entre nous, mais les idées pour essayer d’améliorer les choses, sont rares.

Un Mercredi matin lors de l’atelier conte, M est en état d’angoisse important. Les parents ne sont pas d’accord pour qu’il vienne dans cet atelier, car il ne faut pas l’effrayer, avec les loups, les sorcières et les monstres. Il bouge sans cesse, saute sur les autres enfants, nous n’existons plus, il ne nous entend pas. Nos paroles ne le rassurent pas. Nous essayons de le contenir au corps à corps, assis entre nos jambes, et nos bras l’entourent. Il arrive à se calmer pendant 2 minutes. Puis la sensation de ne plus pouvoir bouger lui est insoutenable. Le corps à corps devient impossible tant l’angoisse augmente.
Nous prenons la décision de l’isoler dans une pièce avec un adulte, car les autres enfants sont en miroir avec cette violence.

M supporte très mal cet isolement. Sa colère se manifeste par des cris, des coups de pieds dans les meubles, il essaye de me faire tomber, il hurle qu’il va me tuer et qu’il va faire ce qu’il veut. Je lui dis qu’il n’est qu’un enfant et qu’il ne peut pas me tuer. Que les adultes sont là pour l’aider, le protéger. Plus je lui parle pour le rassurer, plus l’angoisse monte. Je lui dis en boucle les règles de la vie en société, et sa réalité de petit garçon qui ne peut pas diriger le monde. Episode de calme et de colère, M reste dans la pièce avec moi et ma collègue, a tour de rôle, jusqu’à son départ.

Pendant cet épisode, beaucoup de sensations et de questions m’envahissent :
- La colère envers moi de ne pas pouvoir le rassurer
- envers lui de me mettre en échec
- Le doute est-ce la bonne solution ?
- La culpabilité d’être obligé de l’isoler, faire de la contention à un enfant.
Il y a surtout cette sensation d’épuisement et d’incompréhension d’en être arrivée là. Dans le service nous étions tous dans le questionnement, et dans un état de déprime car nous nous sentions impuissant devant l’angoisse de M.

Le mercredi suivant le même épisode s’est déroulé avec moins de violence et nous avons appliqué la même stratégie avec l’impression, qu’il ne fallait pas « céder ». M s’est manifesté avec moins de virulence. Nous étions nous aussi moins épuisées.

Depuis cet évènement, j’ai la sensation de M se sent libéré de quelque chose. Le dialogue est devenu plus facile .Il arrive à nous parler de ses difficultés a être dans les règles ce qui l’handicape au point de vue scolaire. Un lien de confiance s’est installé, et pour l’atelier conte, nous avons fait un compromis, il invente une histoire dans l’atelier BD, qu’il nous raconte dans l’atelier conte. Ce qui l’enchante...

Epilogue de l’histoire : nous avons appris à la rentrée de Janvier que M ne viendra plus aux orangers, ses parents ont pris la décision de le retirer car nous étions des « incapables »...
Nous avions demandé au papa d’être plus ponctuel pour que M n’arrive pas en retard aux ateliers...

Quelques questions en conclusion

Nous pourrions qualifier notre travail sur le terrain des autistes, les psychotiques de très aventureux, et nous nous disons sommes nous imprudents ?
Ne confondons nous pas trop souvent violence et souffrance ?
Nous nous disons qu’il est impossible de parler de violence sans prendre en compte l’effet qu’elle produit sur nous, notre contre transfert est souvent malmené.
Qu’il est indispensable de se dire de ne pas rester sur le « qui-vive », car une contre attitude semble parfois à l’origine de nouveaux actes violents et dans ces situations quel contenant psychique proposons-nous ?
Alors que faire de l’escalade de la violence, de l’expression de la violence par des coups, des cris par exemple ?
Comment vivons-nous « les agirs violents » des enfants, est ce qu’ils nous mettent hors service, nous-mêmes, sommes nous en danger et sommes nous dans le rejet ?
Nous avons évoqué également les notions e complicité, ceci nous est apparu dans des situations de repas, déguisé en fait sous forme de tolérance, et ceci trop souvent au dépend des autres enfants.
En ateliers, dans les temps informels également, qu’en est-il de notre désir ? Est-il violent ? Fait-il violence à l’enfant autiste, psychotique ? Dans cette ébauche de réflexion que pourrions nous dire de la violence et de la mémoire ?
Certains pensent que ces 2 concepts sont indissociables mais que peut-on dire de cette mémoire chez les enfants que nous suivons, que nous accompagnons, tant les agirs sont soudains et surprenants.
Nous avons la sensation parfois d’être pris d’assaut, est ce de la haine ?
Certaines réactions donnent à penser à un pouvoir exclusif de jouissance, de souffrance, la jouissance de la peur de l’autre. Situations auxquelles nous sommes confrontés (autant à l’HDJ qu’en IME).
C’est en général dans ces moments là que nous disons »qu’il est traversé », comme si l’action traversait l’enfant. Alors comment va-t’il évacuer « le point de la souffrance » et de nous même, car il n’y a pas de place pour l’interdit de la loi, ni de parole possible.
Mais il nous semble trop souvent oublier que l’histoire des enfants ne se construit pas qu’avec nous et surtout n’a pas commencé avec nous.

Pour conclure avec M il hurle tout en fabriquant des fleurs en plastique, « tu ne maîtrise pas ma destinée. Monique B tais-toi, tu arrêtes de me commander ».
C’est en général dit par M, dans le plus grand silence entre nous puisque je me tais effectivement dans ce moment choisi par lui et il hurle « tu verras ma mère ».

Dernières réflexions
Qu’a-t-il inventé lui-même contre cette violence interne ? Nous disions nous il y a quelques semaines, il nous fait violence, nous lui faisons violence et à ce jour, nous avons la certitude qu’il est dans la violence des parents. M a besoin d’être accompagné, soutenu dans sa lutte acharnée à maintenir un ordre du monde sans cesse menacé.
Cette réflexion m’a conduite à relire Freud et Lacan « malaise dans la civilisation », « les complexes familiaux » et « les noms du père ».
On a souvent un discours qui tend à généraliser notre approche, nous parlons mais cette fois ci, il nous semble que ça n’a pas fonctionné. En effet, nous disons, il n’y a que dans la parole et le langage que puisse se médiatiser. La violence de chaque sujet, liée à l’exigence de jouissance de la pulsion, comme la violence de l’institution.
Alors Violence de l’institution (y compris la famille). Institution de la violence.

Equipe I02 La seyne

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire