"L'esprit club"

texte présenté à Saint Alban en juin 2006

LE CLUB, c’est quoi pour vous ? (question posée à la réunion Club de l’hôpital de jour)

Les soignés :


- C’est un moyen de s’extérioriser en faisant des sorties à l’extérieur de l’hôpital, en allant boire un café, en partant en séjour thérapeutique, ça permet de se ballader, de prendre du recul. C’est un lieu de rencontre, d’occupation, un moyen de ne pas s’ennuyer, ça dynamise en créant un rythme différent.
- Ça rend l’hôpital de jour plus ludique, sans une meilleure harmonie, une bonne entente, c’est comme une famille.
- Ça crée des liens avec les infirmières, moins hiérarchisés, plus affectifs, mais il ne faut pas que ce soit trop proche. Au club, il y a des rapports moins répressifs, dans un courant différent avec l’équipe.
- Ça demande de l’organisation, chacun fait quelque chose à son échelon, participe, c’est un lieu hiérarchisé où chacun doit trouver sa place.
On y cerne des projets, on peut prendre des responsabilités qui stimulent : on peut y être responsable de l’accueil d’un patient, il y a « possibilité » d’y créer une activité. On prend alors des initiatives pour se renseigner, pour lancer l’activité, les sorties aussi ça se construit. Ça demande des réunions, de la méthode, en ayant un but ensemble.
- C’est un lieu démocratique, chacun a droit au vote. C’est valorisant d’être un membre élu du bureau.
C’est un moyen pour avoir de l’argent, c’est le Club qui finance. Il faut trouver des ressources pour faire un projet, ça aide à la gestion de l’argent.
- C’est un lieu restructurant la personnalité. Ça sollicite l ’effort, l’attention, la confiance en soi. Ça permet d’aller mieux et de prendre son traitement.
Ça sollicite l’investissement, de passer du groupe spectateur à l’activité de l’acteur.
Ça valorise de mener un projet à terme, ça donne comme un cadre professionnel.Ça permet de trouver un point de départ logique entre le début du contrat et une
trajectoire qui permet de vivre ce qu’on ne peut vivre ailleurs, d’être sur d’être porteur de ce qui germe dans le groupe et de sa propre palette d’action.
- C’est un arrêt par rapport au monde extérieur, une pause, pour se relancer petit à
petit.


Les soignants :

- C’est un travail, un lieu d’écoute, d’échange, de tolérance, de non jugement de valeur
- C’est un moyen de sortir de la routine, un lieu de créativité, d’émergence de désirs.
- Il y a respect de la parole des autres, avec une place pour chacun…
C’est l’ouverture des possibles !


Nous essayons, dans notre service, d’élaborer avec les soignants des différentes U.F, un exposé tous les ans sur un thème choisi par l’équipe.
Dur de trouver le temps pour nous réunir mais nous y arrivons ! cette année, le thème était la fonction club.
Ca nous a permis de participer à une soirée débat organisée depuis l’an dernier par un collectif réunissant ce que nous pouvons encore appeler les secteurs de psychiatrie de notre hôpital.
Nous essayons par là de créer une dynamique avec un maximum de gens intéressés par la psychothérapie institutionnelle.

Dans notre hôpital de jour, un club a été créé par François OURY mais après son départ et au bout de quelques années, lorsque je suis arrivée dans l’institution , le fonctionnement de ce club m’avait semblé avoir un peu dérapé.
Les soignants offraient aux patients, lors de la réunion du club, des sorties déjà programmées, décidées lors de la réunion de l’équipe. cette place donnée aux soignés était en miroir avec la place donnée aux soignants : une place sous contrôle , contrôle hiérarchique, plus ou moins bienveillant, plus ou moins agressif dans son rapport à l’autre. Et l’équipe de se plaindre…

Un temps de parole a été institué, permettant des remises en question, mais en l’absence des médecins et du cadre, ce lieu s’est paranoïsé : peur de dire, de faire circuler la parole à partir de là. La parole du sujet est sacrifié pour éviter tout conflit avec ses pairs, dans l’illusion du même, l’autre différent pouvant mettre en danger notre propre moi. Et puis il y a toujours la peur que ça nous retombe dessus, soulevant le problème du rapport à la hiérarchie dans sa dimension fantasmatique et réelle. La question était d’arriver à articuler autorité et espace de liberté afin que le sujet puisse prendre parole.
Mais alors des collaborateurs essentiels se sont révélés être les patients avec un lieu institutionnel qui a pu être opérant : le club.

A la question de Frédéric : mais en quoi le club peut-il être thérapeutique ? une réunion mensuelle est organisée pour tenter d’y répondre. Ce sont alors les soignés qui disent leur envie et leur peur de se responsabiliser, de prendre parole, de rencontrer l’autre. Il faudra bien que l’équipe dépasse cela elle-même pour pourvoir les aider.
L’esprit club se met à l’œuvre avec le soutien des médecins. Des allers et retours se font entre la réunion d’équipe et le club de l’hôpital de jour qui devient peu à peu un lieu décisionnel non sans résistance, car il est dur pour les soignants de lâcher un peu de pouvoir. Le pouvoir sécurisant de mettre les choses en ordre de maîtriser, que rien de s’éparpille.
Le C.A.T.T.P se responsabilise en élisant un Président qui participe aux réunions du Club, ses membres participent aussi à l’élection du bureau du Club. Cela aux frais d’une petite lutte révélant que les classes sociales peuvent se reproduire au sein d’un service de psychiatrie.
Mais qu’est ce qui nous retient donc à ce que çà change, qui nous empêche de prendre la parole dans le risque du conflit ? Une drôle d’aliénation que celle du bon petit soldat, poussant à dénier ses propres mots d’ordre, ceux qui privilégient le soin sur le rendement, qui s’inscrivent dans le transfert psychique et non dans le transfert de fond monétaire.
Dans notre équipe, c’est à partir du club institué que la vie institutionnelle a pu être interrogée par les soignants et les soignés, que la pulsion de mort a pu être délogée de sa place de muette, pour que puisse répondre quelque chose de vivant, quelque chose de l’esprit club dont nous allons vous parler.


LE C.A.T.T.P

• Des élections tous les 3 à 6 mois responsabilisent les patients :
- 3 représentants élus président les différentes réunions. Ils vont en parler à la réunion du club qui se tient à l'hôpital de jour tous les vendredis pour avoir des réponses aux questions posées concernant les démarches, l'argent, l'organisation des sorties.
Pas facile pour eux d'aller dans un autre lieu, se faire connaître. Ils ont préféré y aller à deux.
Tout patient peut se présenter, a le droit de se responsabiliser et d'être reconnu
capable par ses collègues comme par les soignants.
Parfois les élus assurent bien leur fonction et s’en emparent en étant présents et cohérents mais parfois ils abandonnent et c'est la "débacle". On a envie de refaire des élections mais il faut attendre la fin de leur mandat, respecter leur statut, et faire appel à l’aide d’autres patients plutôt que laisser le soignant s’occuper de cette gestion ;
• Les patients s’autogèrent
- les représentants élus vont prendre le cahier de réunion dans le tiroir du bureau des infirmiers et le rangent ensuite
- chaque patient s'inscrit lui-même sur le cahier de présence en arrivant dans la structure ; pas facile de ne pas oublier ! Depuis un mois, celui qui oublie de s'inscrire est de corvée de vaisselle, ça motive !
- les patients prennent en charge la majeure partie des activités pour les aider à se reconstruire en leur permettant de mieux se repérer dans l'espace et le temps, de trouver leur place dans le groupe et dans la vie sociale.
Dans toutes ces activités, nous sommes présents mais nous intervenons peu, limitant nos interventions, posant un cadre dans lequel les patients se responsabilisent, s'activent dans un rapport de complémentarité.
- ils répondent parfois à notre place au téléphone et jouent le rôle de secrétaire, nous passent un message ou nous appellent si notre présence est nécessaire. Ils adorent ça mais ça crée quelques surprises dans l’équipe soignante.
- tous les lundis, se tient la réunion de la semaine. On y parle de la semaine écoulée et de celle à venir en encourageant l'esprit critique.
Quand on reprend l'emploi du temps de la semaine, les patients responsables d'une activité l'évaluent eux-mêmes. Tous changements et nouvelles propositions, celles des soignés et des soignants, sont proposés à cette réunion.
Les décisions sont toutes soumises au vote, acceptées à la majorité ou refusées en expliquant pourquoi.
Elles sont ensuite parlées au staff médical pour une question d'organisation.
Ce fonctionnement démocratique n'a pas toujours été évident car il touche aux défenses paranoïaques de chacun, soignants et soignés.
Ca a dérangé les places statutaires de chacun, le lâchage d’un certain contrôle insécurise les soignants, peut être par peur de se laisser déborder. Quelle place on se donne ? quelle place on leur donne ?

Le club est donc un lieu où les statuts ne sont pas figés, où chacun prend des responsabilités même minimes et peut réagir en tant que personne.
Il sert à mettre les uns et les autres à un niveau fonctionnel de gestions collectives . Comme disait Tosquelles : "ce sont des personnes qui sont là, il faut qu'elles puissent être traitées en personne et non en statut".

• L’accueil
Au C.A.T.T.P, accueillir, c'est donner du temps à celui qui arrive.
Quand un patient vient pour un 1er contact, nous lui proposons de revenir le lendemain au café de façon à ce que ce soit le groupe déjà formé qui l’accueille.
Si le patient semble en retrait, figé, mieux vaut le laisser arriver tranquillement. S'il semble anxieux avec demande de réassurance, un patient du groupe se propose pour être référent et l'aider à se repérer. Nous les apellerons les "poissons pilotes' comme à Laborde.
Les patients du C.A.T.T.P aiment bien être choisis pour aider les nouveaux, ils se sentent responsables.
Ils accompagnent aussi les gens qui viennent demander leur chemin dans les dédales de l’hôpital.
- Il s'agit aussi d'accueillir le pathos de l'autre, le dialyser pour l'aider à se
reconstruire.
Pour cela, il y a nécessité de prendre du temps avec eux pour les écouter, les rassurer, les consoler, les contenir et d’individualiser ce temps pour qu'ils se sentent entendus et existants.
Mais ce n’est pas toujours facile de poser un cadre dans ces entretiens car nous sommes tous dans une grande pièce ce qui entraîne souvent un problème de confidentialité. Parfois tous viennent ensemble avec leur demande individuelle et veulent une réponse tout de suite
Souvent nous nous sentons débordés. D’autant plus que la prise en charge est de plus en plus difficile sur le plan social. Les patients sont de plus en plus démunis au niveau des ressources et du logement.
Certains ne viennent au C.A.T.T.P que pour boire un café ou pour manger.
Peut-on accepter que l’accueil se limite à cela ?
Comment les inscrire plus dans le groupe ?

Pour nous ce qui est important, c’est :
- D’accueillir le sujet psychotique, tenir compte de sa différence en tant qu’être au singulier
- De favoriser l'inscription personnelle dans une vie de collectivité
- De favoriser l'insertion sociale en respectant la folie
- De soigner la gestion de l'ambiance "les entours" par la convivialité
- De plus en plus des rencontres se font à l'intérieur et à l'extérieur (les patients se voient en dehors du C.A.T.T.P, s'invitent à manger, et font des activités ensemble , vont aider le collègue à faire un travail et sont récompensés par un barbecue…mais il y a aussi le risque qu’ils se retrouvent pour boire un peu trop et fumer le hashish, mieux vaut le faire en groupe que seul ?

Cependant, nous remarquons qu’il y a de moins en moins de violence au C.A.T.T.P sans doute par l’ambiance qui y a été créée et la responsabilisation des patients plus concernés par leur place de sujet.

L’HOPITAL DE JOUR

L'activité poésie a été créé à l'hôpital de jour il y a 2-3 ans à la demande de quelques patients et du désir d'une soignante.
Le désir du soignant est là comme support, comme moteur pour qu'il se passe quelque chose pour lutter contre le "pratico-inerte".
Dans les ateliers, se pose la limitation de jouissance à poser à certains patients.
Un cadre a été donné qui a évolué avec le temps. Le lieu d'activité peut changer à chaque séance.
Avant Le thème était donné, maintenant il est libre car un travail de réassurance a été fait avec les patients qui a ouvert à une parole plus personnelle, plus engagée.
Le groupe est semi-ouvert afin d'accueillir les nouveaux arrivants à l'hôpital de jour. Il est animé actuellement par deux infirmières référentes car quand il y a du transfert, on ne peut pas remplacer indifféremment quelqu'un par un autre.
Le temps de l'activité est le même mais le lieu peut changer à chaque séance.
Le groupe permet un partage, une écoute de l'autre. Des lectures de grands poètes se font, des recherches à la bibliothèque sont sollicitées.
L'activité devient de plus en plus dynamique. Elle se passe parfois dehors. Les émotions se partagent. Il y a des idées nouvelles : cadavres exquis, recherche sur les auteurs, déclamation de poèmes et projet de faire venir une poétesse.
Il y a un temps pour penser, un pour écrire, un pour lire les poèmes
Peu à peu les patients ont utilisé les poèmes comme support pour parler d'eux même. Cela peut être aussi un moyen pour ne pas se laisser submerger par leur angoisse.
L'écriture en tentant d'exprimer avec des mots ce qu'ils ressentent parfois trop fort en eux de pulsionnel, canalise ces pulsions.
Ils demandent parfois à ce que le poème soit lu plusieurs fois comme dans un effet miroir.
Les poèmes sont recopiés pour se donner à voir ou pas, pour être affichés dans la salle commune.
Les patients ont progressé dans leurs capacités d'expression, la tenue de leur corps, le ressenti de leurs émotions, le plaisir.
L'important n'est pas d'être simplement gardien, c'est de savoir à quel degré d'investissement, d'identification ou de transfert, on est dans la journée et avec qui.
Cela amène aussi une gratification des soignants qui soutient leur désir.
Tout çà se nourrit avec des sentiments, de la parole, des gens qui sont là.
L'important n'est pas d'être simplement gardien, c'est de savoir à quel degré d'investissement; d'identification ou de transfert on est dans la journée, et avec qui.
Dans la créativité, chacun a son style, le style délirant du psychotique est à être respecté et accompagné. Le psychotique se sert souvent de l'expression artistique comme d'une suppléance pour pallier à ses difficultés à être. Il ne s'agit pas d'interpréter ses productions mais de les accueillir. Le regard de l'autre sur ses œuvres aide à le socialiser mais le laisser aller trop loin dans son expression peut lui faire peur dans des craintes paranoïdes.
Il y a besoin de contenant, de repères, pour calmer l'angoisse sans pour autant étouffer une liberté de création, ça c'est l'art du soignant…

LE CENTRE MEDICO-PSYCHOLOGIQUE

Bien qu’il n’y ait pas d’articulation avec le Club institué à l’hôpital de jour, une fonction club est opérante au C.M.P, comme processus dynamisant la relation soignant-soigné, et notamment autour du café.
Les infirmières ont eu l'envie d'offrir un café à des patients résidant en ville, comme moyen d'en accrocher certains, d'en faire sortir d'autre de leur isolement mais cela a créé des jalousies.
Il a fallu repenser le cadre de cet acte sympathique et instituer une règle : chacun paye son café. Les rendez-vous étant donnés à l'avance, les patients peuvent économiser pour cette sortie.
Les rencontres se font au Mourillon, un lieu où ils n'ont pas l'habitude d'aller ou au centre ville où d'autres patients viennent se joindre au groupe, font le projet d'autres rendez-vous, ce lieu fonctionne alors comme catalyseur de rencontres.
Mais les problèmes d'effectifs mettent en péril la mise en place régulière de cette activité, pourtant soutenante pour des patients enfermés en ville…
Depuis quelques mois, un laboratoire a offert une bouilloire au C.M.P. Le C.A.T.T.P a fait savoir qu'il était possible d'acheter quelques ingrédients et de là est venue l'idée de partager un moment-café avec les patients reçus au C.M.P.
Il permet parfois de faire patienter. Cette marque d'attention a pour effet d'apaiser les tensions, d'apaiser l'angoisse et l’agressivité.
Le patient est pris en considération dans une relation conviviale, où il y a de la chaleur humaine, un temps est pris pour lui, l'échange se personnalise.
Lorsque des patients viennent pour faire leur injection, ils nous disent : "on prend un café, après on fait l’injection". Le soignant n'est pas là que pour faire la piqûre, mais pour autre chose, pour un soin invisible qui prolonge l'acte par un autre temps. Il s’agit d’un soin qui n’est pas évalué par notre système de croitage, c’est à dire les S.I.I.P.S. Le patient se pose pour parler, se crée alors un début d'alliance thérapeutique.
C'est l'infirmière qui propose le café, elle ne répond pas à des demandes intempestives. C'est un soin.
Cela crée un lien soignant-soigné, les patients très angoissés ou agités sont invités à revenir, une fois la première montée d'angoisse apaisée par cet accueil qui permet d'instaurer une relation de confiance.
Cela crée une demande : une patiente très fermée, très défensive, venait uniquement pour la piqûre sans un mot. Un premier café lui a été offert. La deuxième fois, c'est elle qui demande "on s'assoit, vous m'offrez un petit café"
le cadre n'est pas celui d'une psychothérapie, mais offre un lieu d'accueil, un lieu d'échange. Ce qui est dit là peut d'ailleurs être repris en équipe.


L’INTRA HOSPITALIER

Nous allons maintenant parler de ce qui se passe dans le service d’hospitalisation.
Le regard négatif des patients et des visiteurs, devant la vétusté des murs, a permis l’émergence d’un désir d’embellissement du service.
Lors de réunions soignants-soignés, des idées ont germé :
« Le service est triste, sans âme, sombre et sans gaieté, il nous manque des arbres des fleurs et animaux familiers ».
En effet, la tapisserie des couloirs est dégradée, d’un jaune passé, affublée de protections vertes omniprésentes. L’idée nous est venue de jouer avec et de créer autour. Il est évident que chaque montant vert était un tronc potentiel pour notre futur verger !
Un dimanche, profitant d’une accalmie dans le service, de façon très spontanée, poussée par une équipe motivée et des patients intéressés, nous avons, dans un premier temps armé de colle et de papiers, fait pousser un bananier, un cocotier, un pommier, à la plus grande joie des patients devenus créateurs de leur décor et responsables de leur environnement, l’équipe soignante restant un peu plus inquiète dans l’attente de la réaction des supérieurs hiérarchiques. Le lundi ce travail reçoit l’approbation du chef de service mais reste un problème pour des raisons de sécurité incendie. La technique employée n’est pas la bonne. Nous rebondissons : la végétation papier est devenue végétation peinture, puis un singe a grimpé sur le bananier, sous l’œil torve d’un perroquet, quelques trous dans le mur nous désignaient les tâches du cou d’une girafe encore cachée, des éraflures nous rappelaient l’existence des rayures d’un zèbre timide. Sous l’inspiration d’un grand maître, des iris ont fleuri.
Tous les patients intéressés et leur famille ont participé à l’élaboration de cette fresque. Au cours des visites des familles, parents, conjoints, ont suivi l’évolution du travail, donné un avis ou un petit coup de main pour accompagner leur proche dans cette activité et partager un moment de plaisir avec lui.
Chacun a peint au gré de ses pulsions ou de ses difficultés en se questionnant sur les peintres, sur Van Gogh en particulier, son œuvre, sa technique, sa pathologie.
Trois patients, parmi les plus difficiles, ont trouvé chez ce frère de souffrance, un intérêt particulier très significatif.
Cette grande liberté a cependant nécessité un cadre : les graffitis sataniques et les lapins volants ont été écartés. !
Le chantier est en cours d’’exploitation, les artistes se renouvellent régulièrement au gré des hospitalisations créant une dynamique différente chaque jour, intégrant soignants et familles.

une activité qui est née cette année autour du calendrier et semble bien illustrer la fonction club quant au partage et à la convivialité.
La notion de temps et de repère dans le temps est souvent un problème quand on est hospitalisé : quel jour sommes nous ? on est lundi, mardi, le 15, le 12 ? bref aucun support n’était à leur disposition
L’idée de créer un calendrier fut donc soumis lors de la réunion soignants-soignés qui se déroule le jeudi dans notre service. Les patients ont adhérés immédiatement au projet car, à l’aspect pratique, s’ajoutait un éventail de travail et de possibilité.
C’est au mois de mai que celui-ci a vu le jour entre les mains des deux plus jeunes patientes du service qui se sont appropriées cette activité, elles ont donné le ton.
Cette activité se passe sur deux ou trois jours :
- un 1er temps d’écriture où l’on reproduit les semaines sur une feuille blanche (les semaines, les jours, la date, les saints). Il y a beaucoup à dire à ce moment là, ça peut rappeler l’anniversaire d’une personne, la fête de quelqu’un ou même sa propre fête.
La dextérité est mise en pratique, rien n’est laid, les chiffres sont appliqués, artistiques ou enfantins. Les semaines sont choisies par les patients « moi, je veux faire la première semaines, moi la troisième ». Certains mois se sont enrichis par des langues étrangères : en arabe, en vietnamien, en chinois, en espagnol, en anglais dernièrement et ce fut un cours d’anglais improvisé !
- un 2ème temps où les semaines sont collées sur fond de couleur. Le choix se discute, le fond est ensuite décoré. Il y a une recherche de matériaux.
Que vous inspire ce mois ? Cette question laisse place à une plage de paroles, les souvenirs, les odeurs sont relatés.
Le calendrier est collé. On a trouvé sympathique de rajouter un petit mot de remerciements pour tous les patients qui ont permis de faire le calendrier signé par l’équipe soignante. Cette équipe en petit nombre, soit 4 l’après-midi pour 30 patients, s’est autorisée à détacher un de ses membres pour faire ces activités.
De ce cadre posé, cette activité a été accaparée par les patients où l’inattendu est souvent au rendez-vous. Il y a une liberté de circulation des idées.
Mais nous ne sommes qu’au début de cette activité, il reste bien des choses à améliorer et à découvrir.


Bien sûr, il y a la menace des pôles psychiatriques, machines gestionnaires qui pourraient nous transformer en objet à soigner mais nous espérons que la résistance de l’humain à penser et à créer, nous fera toujours faire un pas de côté sur les chemins de croitage, je parle des croix notant les actes infirmiers pour les évaluations.
En tous cas, la possibilité de partager, de nous référer à des concepts communs lors des réunions institutionnelles soutenues par les médecins et cadres infirmiers, nous donnent une direction et des gardes fous dont nous avons bien besoin.
C’est à partir de notre position soignante que nous pourrons défendre notre conception de la relation thérapeutique, celle qui responsabilise le soignant et le soigné.
Commençons par nous questionner nous même à ce sujet pour pouvoir ouvrir un questionnement au niveau du politique.
Seul notre désir de soigner dans le respect de la folie pourra être opérant pour sauvegarder nos outils de travail face aux décisions gouvernementales.

Equipe GO2, rédacteurs : M.H CORBIHAN J.DELORME, E.DUVIGNEAU, P.GASSIER, E. KOUBBI, M. LANFRANCHI, C. MONLOUP

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